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Chap. 3 – Le Sage mondain – La loi
L'ùme effrayée du sentiment de ses péchés veut presque toujours, au premier abord, essayer de se sauver par son obéissance à la loi de Dieu; mais quand elle vient à l'essayer sérieusement, elle en découvre l'effrayante impossibilité.
Cependant le ChrĂ©tien poursuivait son chemin et il rencontra en marchant un homme qui venait au-devant de lui, de sorte qu'ils se trouvĂšrent en face l'un de l'autre dans le mĂȘme chemin. C'Ă©tait un gentilhomme, nommĂ© le Sage-Mondain, qui faisait sa demeure dans une ville appelĂ©e la Sagesse Charnelle, grande ville voisine de celle oĂč le ChrĂ©tien habitait auparavant.
Cet homme ayant rencontré le Chrétien dont il avait ouï parler (car sa sortie hors de la ville de Corruption avait fait du bruit de toute part), et ayant connu, à sa démarche triste, à ses soupirs et à ses gémissements, ce qui se passait en lui, commença à lui parler en ces termes:
- Qu'est ceci, mon cher ami? OĂč pensez-vous aller avec un si pesant fardeau?
Le ChrĂ©tien - HĂ©las! que vous avez raison de dire que mon fardeau est pesant! Jamais personne n'en a portĂ© un plus accablant. Si vous me demandez encore oĂč je vais, je vous dirai que je m'achemine vers la porte Ă©troite qui est lĂ devant moi, et oĂč, selon que j'en ai Ă©tĂ© informĂ©, on doit m'enseigner le chemin que je dois suivre pour ĂȘtre dĂ©chargĂ© de ce mĂȘme fardeau.
Le Sage-Mondain - Avez-vous une femme et des enfants?
Le Chrétien - Oui, mais je suis tellement accablé sous mon fardeau que je ne puis plus y prendre plaisir. Il me semble que j'ai une femme comme si je n'en n'avais point:
Cependant le ChrĂ©tien poursuivait son chemin et il rencontra en marchant un homme qui venait au-devant de lui, de sorte qu'ils se trouvĂšrent en face l'un de l'autre dans le mĂȘme chemin. C'Ă©tait un gentilhomme, nommĂ© le Sage-Mondain, qui faisait sa demeure dans une ville appelĂ©e la Sagesse Charnelle, grande ville voisine de celle oĂč le ChrĂ©tien habitait auparavant.
Cet homme ayant rencontré le Chrétien dont il avait ouï parler (car sa sortie hors de la ville de Corruption avait fait du bruit de toute part), et ayant connu, à sa démarche triste, à ses soupirs et à ses gémissements, ce qui se passait en lui, commença à lui parler en ces termes:
- Qu'est ceci, mon cher ami? OĂč pensez-vous aller avec un si pesant fardeau?
Le ChrĂ©tien - HĂ©las! que vous avez raison de dire que mon fardeau est pesant! Jamais personne n'en a portĂ© un plus accablant. Si vous me demandez encore oĂč je vais, je vous dirai que je m'achemine vers la porte Ă©troite qui est lĂ devant moi, et oĂč, selon que j'en ai Ă©tĂ© informĂ©, on doit m'enseigner le chemin que je dois suivre pour ĂȘtre dĂ©chargĂ© de ce mĂȘme fardeau.
Le Sage-Mondain - Avez-vous une femme et des enfants?
Le Chrétien - Oui, mais je suis tellement accablé sous mon fardeau que je ne puis plus y prendre plaisir. Il me semble que j'ai une femme comme si je n'en n'avais point:
1 Corinthiens 7 : 31
31 et ceux qui usent du monde comme n'en usant pas, car la figure de ce monde passe.
Le Sage-Mondain - Voulez-vous me croire? Je vous donnerai un bon conseil.
Le Chrétien - S'il est bon, je le veux bien, car j'ai maintenant trÚs-grand besoin d'un bon conseil.
Le Sage-Mondain - Le conseil que j'ai Ă vous donner est de vous dĂ©charger vous-mĂȘme sans dĂ©lai de ce fardeau, car sans cela vous n'aurez jamais aucun repos dans votre Ăąme et vous n'obtiendrez jamais la bĂ©nĂ©diction de Dieu.
Le ChrĂ©tien - C'est Ă cela mĂȘme que j'aspire. Je cherche Ă ĂȘtre dĂ©livrĂ© de ce faix accablant. Mais, hĂ©las! je ne puis le faire moi-mĂȘme. Il n'y a personne dans nos contrĂ©es qui puisse m'en dĂ©charger, et c'est pour cela que je me suis mis en chemin. Mais il me semble apercevoir que vous-mĂȘmes, malgrĂ© les conseils que vous me donnez, vous ĂȘtes aussi chargĂ© d'un Ă©norme fardeau semblable au mien. Il est vrai que vous le portez avec aisance, et que vous ne paraissez mĂȘme pas vous en apercevoir.
Le Sage-Mondain - Que me dites-vous lĂ ? Je n'ai point de fardeau, moi! D'ailleurs, c'est de vous que nous parlons. Dites-moi qui vous a conseillĂ© de prendre ce chemin pour ĂȘtre dĂ©livrĂ© de ce poids accablant?
Le ChrĂ©tien - C'est un homme fort vĂ©nĂ©rable qu'on nomme l'ĂvangĂ©liste.
Le Sage-Mondain - C'est un trĂšs-mauvais conseiller. Il n'y a point de chemin si dangereux et si fĂącheux dans le monde que celui qu'il vous a montrĂ©, comme vous l'Ă©prouverez bientĂŽt si vous suivez son conseil. Au reste, il vous est dĂ©jĂ arrivĂ©, Ă ce que je vois, divers malheurs. Je remarque la boue du bourbier du DĂ©couragement attachĂ©e Ă votre corps. Or, ce bourbier n'est encore que le commencement des incommoditĂ©s qu'ont Ă essuyer ceux qui suivent cette route. Croyez-moi, je suis plus ĂągĂ© que vous: vous trouverez dans ce chemin des douleurs, des fatigues, la faim, le pĂ©ril, la nuditĂ©, l'Ă©pĂ©e, les lions, les tĂ©nĂšbres, enfin la mort mĂȘme et une infinitĂ© d'autres maux encore. C'est lĂ la pure vĂ©ritĂ© confirmĂ©e par beaucoup de tĂ©moignages. A quoi bon, pour obĂ©ir Ă autrui, se jeter soi-mĂȘme inconsidĂ©rĂ©ment dans un labyrinthe de maux?
Le Chrétien - Comment, monsieur? Ce fardeau que j'ai sur le dos me cause bien plus de frayeurs que toutes les choses que vous venez de nommer. Et quelques disgrùces qui puissent m'arriver, elles me seront peu de chose pour vu que je puisse obtenir le soulagement que je désire.
Le Sage-Mondain - Comment avez-vous commencé à sentir ce fardeau?
Le Chrétien - Par la lecture de ce livre que j'ai entre les mains.
Le Sage-Mondain - Je le crois bien. Il vous est arrivĂ© comme Ă plusieurs autres esprits faibles qui, ayant voulu trop approfondir les choses, sont tombĂ©s subitement dans le trouble dont vous ĂȘtes agitĂ©. Et cette manie rend non-seulement les hommes inhumains et misanthropes, comme je m'aperçois qu'il vous arrive, mais elle leur fait entreprendre des choses impossibles, dans l'espĂ©rance d'obtenir je ne sais quoi.
Le Chrétien - Pour moi, ce que je prétends obtenir, c'est le soulagement de mon fardeau.
Le Sage-Mondain - Quel soulagement voulez-vous chercher dans cette route oĂč vous n'avez Ă attendre que mille dangers? Au lieu que je puis vous instruire, si vous voulez m'Ă©couter patiemment, d'un moyen sĂ»r pour obtenir ce que vous dĂ©sirez avec tant d'ardeur, sans encourir aucun des dangers qui vous menacent dans le chemin oĂč vous ĂȘtes. Oui, ce moyen est entre vos mains. Ajoutez Ă cela qu'Ă la place de ces incommoditĂ©s auxquelles vous vous exposez, vous y trouverez beaucoup de douceur et de contentement.
Le Chrétien - Je vous prie, Monsieur, apprenez-moi donc ce secret.
Le Sage-Mondain - Je le veux bien. Dans un bourg nommĂ© le bourg de la Morale habite un homme trĂšs vertueux dont le nom est le Loi, et qui a la rĂ©putation de pouvoir dĂ©livrer les hommes du fardeau qui vous presse. Je sais qu'il a fait beaucoup de bien Ă cet Ă©gard. Il a mĂȘme la capacitĂ© de guĂ©rir ceux Ă qui ce fardeau Ă causĂ© quelque renversement d'esprit. C'est pourquoi je vous conseille d'aller tout droit Ă lui, et vous trouverez bientĂŽt du soulagement. Sa maison n'est pas Ă©loignĂ©e. Si vous ne le trouvez pas lui-mĂȘme chez lui, il a un fils nommĂ© l'HonnĂȘtetĂ© qui est un charmant jeune homme. Celui-ci peut vous aider autant que le vieux gentilhomme. C'est lĂ que vous trouverez le soulagement de votre fardeau. Et si vous n'avez pas dessein de retourner chez vous - comme aussi je ne vous le conseille pas -, vous pouvez mander votre femme et vos enfants, et les faire venir auprĂšs de vous dans le bourg, oĂč il y a maintenant assez de maisons vacantes et oĂč vous pourrez en avoir une Ă un prix raisonnable. Les vivres sont aussi fort bons et Ă bon compte. Et ce qui rendra votre vie encore plus heureuse, c'est que vous y jouirez de beaucoup d'estime et de crĂ©dit parmi vos bons voisins.
Le ChrĂ©tien, s'Ă©tant arrĂȘtĂ© un moment pour dĂ©libĂ©rer sur tous ces avantages si prĂ©cieux, prit tout Ă coup la rĂ©solution de s'y rendre. “S'il en est ainsi”, disait-il en lui-mĂȘme, “Comme ce gentilhomme l'assure, je ne saurais mieux faire que de suivre son conseil”. Sur l'instant, il lui demanda le chemin qui conduisait Ă la maison de ce vieux gentilhomme.
- Voyez-vous bien, dit la Sage-Mondain, cette haute montagne?
- Oui, trÚs bien, répondit le Chrétien.
- C'est Ă cette montagne que vous devez aller, lui dit le Sage-Mondain; et la premiĂšre maison que vous trouverez est la sienne.
