8 - Sommeil, Timide et Défiant






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Sommeil, Timide et Défiant



Sommeil, Timide et Défiant, palais plein de beauté

L'âme qui s'endort perd le témoignage intérieur de Dieu et se trouve assaillie par de nouveaux sentiments de timidité et de méfiance. Douleurs qu'elle en éprouve.


Alors je suivis le Chrétien du regard pour découvrir ce qui lui arriverait sur son coteau, et je remarquai qu'au lieu de courir comme auparavant, il fut obligé de ralentir le pas, et ensuite de grimper sur les genoux et sur les mains, à cause de la rudesse de la montée, qui était fort escarpée. Il y avait vers le milieu de la colline une cabane agréable, que le Seigneur du Ciel y avait fait mettre pour procurer quelque repos aux voyageurs. Le Chrétien y entra, et s'assit pour s'y reposer un moment. Pour se fortifier contre son abattement, il tira son mémoire de son sein, et se mit à considérer de nouveau les habits dont il avait été revêtu près de la croix [le pardon de ses péchés et l'imputation qui lui était faite des mérites de Jésus Christ]. L'une et l'autre de ces choses lui donnèrent une véritable joie, qui dura assez longtemps.

Enfin, il tomba insensiblement dans l'assoupissement, et ensuite dans un profond sommeil, ce qui fut cause qu'il s'arrêta dans cet endroit presque jusqu'à la nuit, et que son mémoire lui tomba des mains. Dans le plus fort de son sommeil, il vint quelqu'un qui le poussa rudement et le réveilla en lui criant:
Proverbes 6 : 6
6 Va vers la fourmi, paresseux; Considère ses voies, et deviens sage.


A cette voix, il se leva en sursaut, et se mit à doubler le pas pour gagner du chemin, jusqu'à ce qu'enfin il parvint au sommet de la colline, où il rencontra deux hommes qui couraient droit vers lui. L'un se nommait le Timide et l'autre le Défiant.

- Comment, messieurs! leur cria-t-il, d'où vient que vous rebroussiez ainsi chemin?

Le Timide répondit qu'il s'était mis en chemin pour la cité de Sion, et que dans ce dessein il avait tenté d'escalader ce coteau.

- Mais, ajouta-t-il, comme à mesure que nous avancions nous rencontrions de nouveaux périls, nous avons pris le parti de rebrousser chemin.

- C'est vrai, dit le Défiant; tout à l'heure même nous avons trouvé deux lions devant nous; nous ne savions s'ils dormaient ou non; mais il est sûr que s'ils nous avaient assaillis, nous n'avions autre chose à attendre que d'en être dévorés.

- Vous m'épouvantez, leur dit alors le Chrétien: mais où fuirai-je pour être en sûreté? Faut-il que je rebrousse chemin, et que je retourne dans mon pays? Mais si je retourne, ma perte est assurée; car que puis-je attendre que la mort, dans un lieu qui doit être consumé par le feu du ciel? Au lieu que si je puis une fois parvenir à la cité céleste, j'y serai en pleine sûreté, et j'y jouirai d'une vie éternelle. C'est pourquoi je suis résolu à poursuivre mon chemin. - En disant cela, il commença à marcher courageusement; mais le Timide et le Défiant descendirent la colline en courant.

Le Chrétien cependant ne put s'empêcher de réfléchir sur ce que ces deux hommes lui avaient dit: et comme il voulut tirer son mémoire pour le lire et se fortifier contre les dangers dont il était menacé, il ne le trouva point; ce qui lui causa un étonnement et une affliction inconcevables.

C'était là toute sa consolation et son soutien dans les épreuves; c'était le passeport au moyen duquel il devait être reçu et introduit dans la cité céleste. Jugez, après cela, quelle dut être sa consternation et le trouble de son âme, lorsqu'il se vit privé d'un si grand avantage. Dans cette profonde tristesse, il se souvint enfin qu'il s'était endormi dans la cabane. Il se jeta alors à genoux devant Dieu et lui demanda pardon de cette faute si grande; après quoi il rebroussa chemin pour aller chercher son mémoire.

Mais qui pourrait décrire les regrets et la douleur qu'il ressentit tout au long du chemin? Tantôt il poussait des soupirs; tantôt il lui prenait envie de se maudire lui-même pour s'être ainsi endormi dans un lieu qui n'était destiné qu'à prendre un peu de repos. Il revenait ainsi sur ses pas en cherchant son mémoire avec beaucoup d'inquiétude, en regardant de tous côtés s'il ne pourrait point le retrouver.

Enfin, il découvrit la cabane où il s'était arrêté. Mais cette vue ne fit que raviver sa plaie, en lui rappelant le souvenir de sa faute; de sorte qu'il se mit à déplorer amèrement son sommeil insensé. “Ah!”, s'écriait-il, “misérable que je suis de m'être ainsi abandonné au sommeil pendant le jour et au milieu de tant de dangers! Que je suis malheureux d'avoir ainsi accompli le désir de ma chair, par l'abus du repos que le Seigneur du Ciel n'a ordonné que pour le rafraîchissement du pèlerin spirituel, et non pour la satisfaction et la commodité de la chair! Combien de pas inutiles n'ai-je pas faits! Je me vois maintenant obligé de faire le chemin par trois fois, au lieu qu'une seule foi aurait suffi si j'avais été sage. C'est ainsi qu'il arriva aux enfants d'Israël, qui, à cause de leurs péchés, furent renvoyés vers la mer Rouge. Et encore faut-il que je fasse ce chemin avec tristesse et amertume, au lieu que j'aurais pu le faire commodément et à la clarté du soleil. A présent, la nuit va me surprendre. Ah! Déplorable sommeil, que tu me causes de peines!”

En faisant ces tristes lamentations il arriva à la cabane, où, abattu par la fatigue, il fut obligé de s'asseoir, et là s'abandonna de nouveau à des regrets et à des larmes amères. Mais enfin, comme il regardait tristement vers la place où il était assis, il découvrit son mémoire. Aussitôt il le ramassa en tremblant, et le cacha dans son sein avec des transports de joie et avec des sentiments d'une vive reconnaissance envers le Seigneur qui l'avait si bien dirigé.

Ainsi, il se remit en chemin en versant des larmes de joie. Mais quoiqu'il fît une extrême diligence pour gagner le haut de la colline, le soleil se coucha sur lui avant qu'il fût arrivé au sommet; ce qui lui renouvela le souvenir de son dangereux sommeil, et lui fit pousser de nouvelles plaintes.

Il se souvenait aussi du récit que le Timide et le Défiant lui avaient fait de tant de difficultés, et en particulier des lions qu'ils disaient avoir rencontrés en chemin. “Si cela est”, se disait-il en lui-même, “c'est la nuit que ses animaux vont chercher leur proie; et si je viens à les rencontrer dans ces ténèbres, comment éviterai-je de tomber entre leurs griffes et d'être mis en pièces par eux?”

Mais comme il continuait son chemin dans ces tristes pensées, il leva les yeux et découvrit devant lui, à côté du chemin, un magnifique palais dont le nom est Plein de Beauté; et je remarquai qu'il se hâtait pour y aller loger cette nuit. Cependant il arriva dans un passage fort étroit, distant d'environ un mille de la porte du palais. Et comme il regardait avec beaucoup de soin devant lui, il aperçut les deux lions dans le chemin.

“Je vois maintenant”, dit-il, “le danger qui a fait retourner en arrière le Timide et le Défiant”. Or les lions étaient enchaînés. Mais il ne voyait pas leurs chaînes; ce qui fit qu'il fut saisi d'une si grande frayeur qu'il commença à délibérer en lui-même s'il ne retournerait point en arrière pour suivre les autres, car il n'attendait que la mort. Mais le portier de ce palais, nommé Vigilant, remarquant de sa demeure que le Chrétien s'arrêtait tout court et qu'il paraissait disposé à rebrousser chemin, lui cria:

- Avez-vous si peu de courage? N'ayez point peur de ces lions, car ils sont enchaînés. Ils ne sont là que pour éprouver la foi des voyageurs, et manifester qui sont ceux qui n'en ont point. Marchez seulement toujours par le milieu du chemin [ne pas s'écarter ni à droite ni à gauche du bon chemin], et il ne vous arrivera aucun mal.


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